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Entrepreneuriat à la TV : Requins vs Dragons

Il y a peu de temps, j’ai appris l’existence d’une émission de TV en Angleterre qui met en scène des entrepreneurs et des Business Angels. L’objectif pour l’entrepreneur est de convaincre, avec un pitch original si possible, les BA d’investir dans son entreprise. Cette émission s’appelle Dragon’s Den (l’antre du Dragon) et en est à sa huitième saison déjà. Le concept a été repris dans de multiples pays et la version américaine, intitulée Shark Tank (l’aquarium à Requins) en est à sa deuxième saison.

Parlons un peu des points communs, qui relèvent de la confrontation entre entrepreneurs et investisseurs. Nous évoquerons ensuite les différences notables entre la version Anglaise et la version Américaine.

Fonctionnement de l’émission
L’entrepreneur dispose de quelques minutes pour présenter (dans le milieu, on dit « pitcher ») son projet et expliquer aux BA pourquoi ils doivent investir dans son entreprise. Les BA sont de vrais investisseurs et l’argent qu’ils proposent est le leur. Il s’agit de vrais investissements et donc de vrais enjeux pour les deux parties. Pour ceux qui ne savent pas ce qu’est un BA (Business Angel), il s’agit d’une personne qui possède de l’argent (souvent suite à une réussite entrepreneuriale) et qui souhaite le réinvestir dans des jeunes entreprises. Il apporte par ailleurs souvent son expertise et son réseau, ce qui est parfois plus précieux que l’argent en lui même ! Il prend des risques car si l’entreprise meurt, il ne revoit jamais son argent. En revanche, si l’entreprise réussit, son « placement » lui rapporte en dividendes chaque année et il possède une part du capital de l’entreprise qu’il peut à terme revendre avec une plus-value.
Les entrepreneurs proposent aux dragons ou aux requins des deals du type : « Je demande un investissement de 100 000 £ en échange de 40% de mon entreprise ». Libre ensuite aux BA de renégocier les termes, mais dans tous les cas, l’entrepreneur doit obtenir tout l’argent ou repart sans rien. Enfin, il n’est pas rare que plusieurs BA s’associent pour investir dans un projet et apporter ainsi plus d’argent mais aussi plus d’expertise à l’entrepreneur.

DragonsDen

Ce qu’il ne faut pas faire en tant qu’entrepreneur
Les entrepreneurs qui sont systématiquement refoulés ont souvent une ou plusieurs des caractéristiques suivantes :
– Le produit n’existe pas encore. C’est juste une idée et ils demandent de l’argent pour la développer. Le risque est bien trop important et il n’y a aucune garantie pour le BA de revoir son argent.
– Le produit existe, mais il ne se vend pas. Les entrepreneurs voient leur produit tout en haut de l’affiche et pensent qu’il suffira d’un investissement marketing pour le faire connaitre et le vendre en grand nombre, sans avoir réussi à en vendre par d’autres moyens. Les BA ont besoin d’une preuve émanant du marché qui montre que le produit plait et va se vendre.
– L’entrepreneur ne connait pas ses chiffres ou ne les maîtrise pas. Cela effraie les BA qui pensent alors, à juste titre, que l’entrepreneur n’a pas les qualités de gestionnaire nécessaires pour diriger cette entreprise.

Ce qu’il faut faire en tant qu’entrepreneur
Les projets qui reçoivent très souvent un financement de la part des BA ont les caractéristiques suivantes :
– Le produit existe (même au niveau de prototype fonctionnel) et il y a déjà des commandes (voire des ventes).
– L’entreprise est nouvelle et s’est développée rapidement. Les business qui ont 8 ou 10 ans et qui ne sont toujours pas profitables ne le seront sans doute jamais.
– Le produit est soit destiné à une niche soit il contient une technologie brevetée qui pourra être cédée à une entreprise dominante.
– L’entrepreneur n’a pas dépensé trop d’argent dans le développement du produit. Les BA ont donc le sentiment que cette personne peut créer de grandes choses avec peu d’argent et donc amener un business rentable.
– Un entrepreneur passionné ou avec une forte personnalité a plus de chances de séduire les BA. De même, leur faire essayer le produit peut les convaincre que celui-ci trouvera son marché.

Pour résumer, si vous avez un produit de niche, qui existe et que vous avez déjà des commandes, ce produit est intéressant pour un investisseur. Par ailleurs, si vous êtes passionné, que vous connaissez vos chiffres et votre marché et que vous êtes crédible en tant qu’entrepreneur, vous serez intéressants pour un investisseur. Et si le produit et la personne qui est derrière sont intéressants, il n’y a pas de raison de ne pas trouver le bon BA qui vous aidera. Je pense par ailleurs que ces conseils sont évidemment valables pour les entreprises qui ne cherchent pas à lever des fonds.

SharkTank

Les différences entres UK et US
C’est là que ça devient intéressant.
– Dans la version UK, on constate qu’il y a moins de projets qui sont financés. C’est probablement dû au choix des projets par la production de l’émission, mais pas seulement. On se rend compte que certains projets soutenus pas les Requins américains n’auraient certainement pas trouvé preneur auprès des Dragons britanniques. Le BA américain semble prendre plus souvent des risques. C’est probablement aussi une conséquence du marché visé. Les USA sont un marché bien plus vaste et diversifié que le UK.
– Les BA américains sont bien plus gourmands que les BA anglais. Plutôt que de prendre des parts de 20% ou 30% dans l’entreprise, ils proposent très souvent de prendre 50% ou 51% du business. La prise de contrôle de l’entreprise semble plus en vogue chez les BA américains que chez les anglais qui restent plus dans l’investissement long terme. Ces derniers n’essaient pas de faire un coup, mais plutôt de favoriser le développement de nouvelles entreprises portées par des personnes de talent.
– Les entrepreneurs américains présentent extrêmement bien leur projet. C’est une constante chez les ricains : ils sont tellement forts dans l’art de se vendre qu’ils nous feraient gober n’importe quoi. Hors sujet : je pense que c’est un point majeur de la réussite américaine et qui est (volontairement ou pas) délaissé par beaucoup d’autres pays.

Je vous conseille vivement de regarder ces émissions sur internet. par exemple là :
Dragon’s Den (le plus instructif) : http://youtu.be/X_DE96fh5KQ
Shark Tank (le plus divertissant) : http://youtu.be/hLhyny2GLtk

L’éventualité d’une version française
Je rêverais de voir une telle émission arriver en France. Ne serait-ce que pour mettre en valeur tous ces entrepreneurs et inventeurs, mais aussi pour donner envie aux jeunes Français d’entreprendre. L’entrepreneuriat n’est certainement pas un métier comme un autre, mais il faut dire à tout le monde que c’est une voie professionnelle comme les autres. on peut en parler dès le primaire, le collège ou le lycée. Ce n’est réservé ni à des chanceux, ni à des riches, ni non plus à des rêveurs.
Il semble que l’entrepreneuriat en France soit en phase de conquête du grand public et c’est tant mieux. A quand donc une telle émission en France ? J’espère que notre aversion à parler d’argent en public ne va pas faire peur aux producteurs…
Allez, pour poser les premières pierres, il faut d’abord trouver le nom des animaux que seront les BA français… Voici donc quelques idées d »intitulés pour cette émission :
LA CAGE AUX LIONS
LE REPERE DES HYENES
LA MARE AUX CROCOS

D’autres idées ?

Penser à l’argent, un facteur d’échec ?

En regardant Dan Pink parler de la « science de la motivation » sur TED.com, il m’a semblé que son discours s’adaptait particulièrement bien au cas de la création d’entreprise.

Pour ceux qui veulent visionner son talk, je vous le mets ici (sous titre français disponibles):

Pour ceux qui ne le regardent pas, en substance, il explique comment, depuis 40 ans, beaucoup de sociétés sont allées à l’encontre de la recherche en matière de motivation des employés car, croyez le ou pas, pour toute tâche requérant un minimum d’initiative ou de créativité (soit l’écrasante majorité de nos activités) les personnes se voyant promettre une récompense financière en cas de succès sont autant voire MOINS performantes que celles qui n’ont aucune promesse de récompense. D’ailleurs, pour appuyer son propos, je citerais deux études parues l’an dernier dans le Time Magazine, concernant une expérience visant à récompenser financièrement de écoliers suivant différentes méthodes (plus la tâche à accomplir est simple, plus les résultats sont bons et plus elle est lointaine, comme avoir une bonne moyenne générale, plus les résultats sont absents) et une autre concernant des étudiants à l’université se motivant en s’inscrivant sur un site internet qui, pour une somme donnée, vous récompense du double ou du triple si vous atteignez vos objectifs (là aussi, plus l’objectif est simple, plus il est atteint et le site gagne de l’argent car la plupart ne parvient pas à maintenir leur motivation durant toute l’année… objectif trop complexe).

Ces résultats peuvent bien sûr être discutés. Je pense que seules les récompenses directes sont concernées (du type : 100€ pour tout nouveau client) et non les récompenses différées (du type : redistribution des bénéfices en fin d’année). D’autre part, certaines variable ne semblent pas prises en compte. En effet, une entreprise qui pratique les primes de résultat attirera plus facilement des individus entreprenants et motivés et elle gardera ses bons éléments qui se verront reconnus par les récompenses reçues.

Toutefois, ce qui me semble intéressant et juste, c’est que proposer des primes limite fortement la créativité. Le travailleur se limite le plus souvent à ce qu’il connait, ayant le sentiment qu’il sera ainsi plus efficace qu’en cherchant des moyens alternatifs inconnus.

Le parallèle avec l’entrepreneur me semble tout trouvé d’autant qu’il s’agit d’une situation dans laquelle je me trouve en ce moment. En phase de création, on pense souvent aux moyens de gagner de l’argent In Fine, de rentabiliser le business, de rembourser l’emprunt… Tout cela fait focaliser sur des détails très terre à terre à un moment du projet où il faudrait plutôt privilégier le créatif et la passion.
Le jeune entrepreneur que je suis est sans cesse hanté par ces questions : arriverais-je à vendre mon produit ? suffisamment ? Au bon prix ? C’est vraiment difficile de se sortir cela de la tête de temps en temps pour se focaliser sur d’autres choses ou pire, lorsque je dois considérer l’intérêt d’une dépense ou d’un surcout sur mon produit !

Voilà pourquoi être trop focalisé sur l’argent durant les phases amont de la création d’entreprise peut mener à mon sens à l’échec du projet. Il sera largement temps d’y penser lors de la rédaction du Business plan ou au moment de trouver des investisseurs.

Qu’en pensez-vous ? Croyez-vous qu’il faille développer son entreprise en pensant constamment aux revenus ou pensez-vous qu’il est indispensable de prendre de la distance avec l’argent pour réussir ?